lundi 24 mars 2014

Fin du périple en Argentine avant une troisième et dernière incursion au Chili : hommage au poète argentin Juan Gelman


Je ne peux pas quitter l'Argentine sans rendre hommage à Juan Gelman, poète argentin, exilé au Mexique, dont les poèmes sont le témoignage d'une époque noire.
Les années 1970-80 ont marqué l'Argentine par son flot de cruautés. La loi du silence qui plane sur la disparition des opposants au régime dictatorial (1976-1983) est levée peu à peu sans que les gouvernements qui se sont succédés n'aient jamais fait la lumière sur le sort qui a été réservé à plus de 30 000 disparus dont les corps demeurent, en grande majorité, introuvables.

Parmi "los desaparecidos", figurent le fils et la belle-fille de Juan Gelman, enceinte de 8 mois à l'époque. Ce poète argentin a connu l'exil pendant la dictature mais son fils et sa belle-fille sont une illustration parmi tant d'autres des ravages causés par la dictature. Ils sont les victimes de l'Opération condor, service secret militaire chilien investi d'une mission eugéniste, qui enlevait et torturait les opposants au régime et les privait de leur filiation donnée pour adoption aux militaires et policiers uruguayens. 
Juan Gelman puise dans l'écriture et dans ses œuvres la force pour survivre à ce drame familial : il a publié une trentaine de livres et reçu le prestigieux prix Cervantes en 2007. Ses écrits sont l'empreinte de son vécu mais malgré les horreurs que son pays lui a fait subir, ils demeurent pacifistes et le poète ne cesse de clamer son amour pour sa terre.

Retrouver son fils, sa belle-fille et leur enfant devint le combat de toute une vie, combat qu'il mena avec sa femme en marge de tout organisme ou de toute institution. Son enquête, ses appels dans les médias aux pouvoirs publics et le soutien apporté par le monde littéraire aboutirent à quelques résultats : son fils est retrouvé dans un fût de 200 litres rempli de ciment et de sable, assassiné d'une balle dans la nuque et après plus de vingt années de recherche, c'est sa petite-fille qu'il retrouve enfin et qui a grandi au sein de sa famille adoptive. 

Quelques mois après la fin de mon voyage, le 14 janvier 2014, Juan Gelman est décédé à l'âge de 83 ans.

A ce jour, le nom de sa belle-fille figure toujours dans la longue liste des "desaparecidos".

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